Le jour précédént

Imaginez. Nous sommes le 21 août 1944.

Depuis 1940 la France est occupée. Le 6 juin 1944 le débarquement a permis aux forces alliées de prendre position sur le continent et, grâce à leur supériorité, d’avancer sur les troupes Allemandes. Cette avancée est certes meurtrière mais rapide puisqu’en moins de 2 mois ils sont aux portes du Canton de la Chapelle-la-Reine.

Dès le début août, les habitants peuvent voir de nombreuses manœuvres de troupes remontant du front. A tel point que le 15 août, la RN152 sera bloquée par les convois des troupes Allemandes.

Le 17 août, un message téléphonique de la gendarmerie informe que des éléments avancés de la IIIe Armée Américaine (général Patton) ont atteint Ury et Achères en bordure sud-ouest de la forêt de Fontainebleau.

L’armée Allemande a, bien entendu, la volonté de stopper cette progression pour maintenir le contrôle des ponts qui enjambent la Seine, notamment le pont de Valvins. La Chapelle-la-Reine sera un des lieux où l’armée Allemande compte stopper la progression des forces alliées.

Nous sommes le 21 août, il est 16h.

C’est à ce moment-là que les troupes Allemandes arrivent dans le village et prennent position.

Les habitants sont informés par le tambour Emile Ratard que le soir même, à partir de 20h, ils ne pourront plus sortir. Que le lendemain, les volets devront rester fermés, les fenêtres ouvertes (pour se protéger des déflagrations) et de descendre s’abriter dans leurs caves ou des tranchées.

Le pharmacien Pierre Legendre et la Maison des Sœurs sont informés qu’ils devraient certainement devoir faire face à des nombreux blessés.

Approximativement 400 hommes se dispersent dans toutes les maisons de la Chapelle-la-Reine et tout particulièrement à Butteaux ou l’état-major installera un poste de télécommunication. De nombreuses pièces d’artilleries et des chars sont installées à des endroits stratégiques du village. On dénombre au moins 3 panzers en ville, 5 dans les bois, 2 canons de 77 et de 88, une douzaine de canons de 37 et de nombreuses mitraillettes, le tout caché derrière des meules de foin ou dans des tranchées.

Les troupes sont partout. Dans la plaine, dans les bois de la Haute Borne, dans le village de la Chapelle-la-Reine et dans le hameau de Butteaux.

Comme les prémices de la bataille, le 21 août est une journée d’été très chaude. Un orage éclate en fin d’après-midi.

La résistance tentera en vain de joindre les forces alliées pour les prévenir qu’ils devront affronter un adversaire fortement armé et préparé. Nous aurons peine à imaginer la nuit de tension que les habitants ont du vivre. Le lendemain 4 ans d’occupation vont peut-être s’achever.

Le 22 août 1944, il est bientôt 8h.

Un Piper Cup survole la Chapelle-la-Reine et découvre les positions ennemies. Il est aussitôt pris pour cible par les mitraillettes et la DCA mais ne sera pas touché.

Au même moment, la tête du convoi des troupes américaines arrive sur Butteaux, au passage à niveau où les Allemandes les attendent en embuscade derrière les talus (ou nous sommes). Les 2 jeeps de reconnaissance tombent dans l’embuscade. La riposte Américaine ne se fait pas attendre. L’artillerie fait feu, tire des obus fusants qui explosent avant de toucher le sol, blessant les militaires et soufflant les toitures. Les fantassins tirent des balles incendiaires pour déloger les troupes cachées derrière les meules de foin. Les chars sont envoyés en renfort.

Un char Allemand était installé à l’entrée du village (route d’Amponville, désormais rue de la Libération), un autre naviguait entre la rue de la Gare et la rue de Nemours (désormais Charles de Gaulle), donnant du fil à retordre aux troupes alliées.

La tactique Américaine est de prendre les Allemands à revers, par le Nord avec la compagnie L et par le Sud avec la division K.

Le plus gros des dégâts se produiront durant ces 2 première heures, de 8h à 10h. Mais la bataille durera jusqu’au soir, l’attaque en tant que telle reprenant en début d’après-midi.

C’est le hameau de Butteaux qui sera le plus touché. Toutes les troupes positionnées dans ce hameau seront tuées. Le seul civil qui périra ce jour y habitait. Il avait refusé de se mettre à l’abri.

André Lenoir témoignera qu’entre 11h et 15h il y a eu une accalmie dans la bataille. Accalmie ponctuée de tirs de mitraillettes. Sa maison, au 46 rue de la Gare, et la maison voisine au 44 seront tout de même touchées par de nombreux obus.

Un dernier obus sera tiré vers 17h. Puis vers 18h les habitants entendirent les troupes Allemandes se retirer. Ils partirent par Ury et Villiers sous Grez pour rejoindre leurs troupes au pont de Valvins.

Vers 19h les troupes américaines entrèrent dans le village désolé. Les meules brulaient, les toitures étaient effondrées, les poteaux au sol… C’est un paysage de guerre que découvrent les habitants.

M Maurice Delage installa une chaudière à vapeur au niveau du puit communal (qui se trouvait place de la République) pour tirer de l’eau et éteindre les incendies, qui pour certains dureront toute la nuit.

Tous les soldats de l’armée Allemande n’ont toutefois pas pu partir. Certains furent fait prisonniers après l’arrivée des troupes Américaines le soir même et pour l’un d’entre eux, quatre jours après la libération de la Chapelle-la-Reine.

Du côté des troupes alliées on dénombrera prêt de 30 morts, contre 75, côté Allemand. 218 prisonniers Allemands et Polonais. Et bien entendu de très nombreux blessés.

Le soir même, le drapeau Français flottait au vasistas du clocher. Le Général Patton s’établira à la gendarmerie le 22 août au soir. Il déclarera que si la ville n’était pas tombée le 22, il aurait fait appel à l’aviation. Ce qui a l’évidence aurait été bien plus destructeur.

Dans la foulée de la libération de la Chapelle-la-Reine et de ses hameaux, les villages avoisinants sont libérés. Les troupes foncent sur Fontainebleau qu’ils libèreront le lendemain.

Ce jour-là le front s’établira au pont de Valvins. La bataille qui s’y tiendra sera très meurtrière.

Ainsi s‘achève la libération de la Chapelle-la-Reine. Aujourd’hui un certain nombre de rues portent un nom en relation avec cet événement. Une centaine d’habitants encore parmi nous ont connu ce jour.

Jour que nous devons conserver dans nos mémoires.

Photographies de la libération de Villiers-sous-Grez

(Je tiens à remercier M René Fleureau pour m’avoir transmis ces photographies et aidé dans la rédaction de ce texte)

Sources

Si vous souhaitez plus de détail sur les évènements de cette journée, je vous recommande 2 sources.

La publication des « amis du patrimoine » ; qui font un travail remarquable. Il s’agit de l’édition n°15 de 2004 qui est consultable sur le site lesamisdupatrimoine.net, et notamment de l’article rédigé par Mme Nelly Amiot.

https://lesamisdupatrimoine.net/le-passe-present-n6-1996/?fbclid=IwAR3oKnN0FFxBZhj8y-qpwkg1cBfCxbFC1BhBPa91FSuG-nrgRNlcV7wD7uE

La seconde source étant l’ouvrage :

L’ouvrage « 1944 Guerre en Ile de France » « combats pour Paris » volume 4.